La femmologie, discipline à mettre en place, se fonde en son principe disciplinaire, sur la démographie. La question n’est pas métaphysique. Entre autres choses, le corps se reproduit. Afin de maintenir une ligne critique matérialiste, il faut rechercher non un motif transcendantal, il faut au contraire s’informer sur le comment.
Le lieu de reproduction naturelle, c’est le corps de la femme. Il est immédiatement repérable, repéré, désigné.
Mais de quelle énergie dépend cette unité de reproduction ? Le milieu répond. Il se donne en pâture. L’alimentation naturelle donne les éléments vitaux. La banalité de la chose semble rédhibitoire et pourtant la chose semble avoir été mal traitée. L’homme alimente son corps. À l’observer dans cette activité, on reste terrassé par la complexité et l’incongruité de la chose. Regardez-moi ce pauvre corps naturalisé se comporter sur ces bizarres jambes, courir de-ci de-là, cueillant, chassant, pêchant, il revient avec tous ces produits pour les ingurgiter après les avoir mâchés. Mais c’est un truc de malade mental ! C’est quoi ce bordel ? À quoi joue-t-on dans cette fantastique et burlesque histoire ? Qui plus est, l’opération d’apport d’énergie ne s’achève pas là. Le corps doit traiter ces corps ingurgités. Cette station de tri, après analyse et traitement, se transforme en station d’épuration. Comme quoi ces aliments incorporés ne sont pas immédiatement consommables. Qui plus est, des déchets existent. Par-dessus le marché. Il faut les rejeter à l’extérieur. Autre tuyauterie qui relève de la plus extrême complexité. Qui plus est les aliments incorporés triés sur le volet doivent être acheminés vers les organes à qui ils sont destinés.
Et ce petit manège de malade mental doit être pris toutes les quatre heures ?
Ça va pas la tête ?
Et l’on voudrait faire croire que la nature est bien faite et que le corps humain est une merveilleuse machine.
C’est un doux bordel d’inepties, sans doute.
Cette histoire est incroyable. Mais admettons.
Pour combler l’hallucinante plaisanterie, ce corps humain se dédouble et à la femme la charge de reproduire.
Reproduire ce truc qu’est un corps humain, un truc abracadabrant, mais encore reproduire en plus ce corps-là avec ses aliments là ? Et le tout dans l’espace étroit du ventre d’une femme ? Ah, vraiment, c’est un truc de malade sacrément mal foutu. En somme l’usine physico-chimique qu’est le corps de la femme est capable d’agréger des corps disparates pour leur faire produire un autre corps humain différent mais semblable ? Un truc de malade, je vous dis. Et le fœtus lui, que pense-t-il de tout cela ? Il pense que le logement est étroit, aqueux, qu’il croît et que donc il va se faire expulser. Il pense qu’il possède un bon appareillage de recueil d’informations. Il voit, il goûte, il sent, il entend, il goûte à tout. Devant chez lui une vue splendide, derrière une baie vitrée verticalement coupée en deux par la colonne vertébrale. La vue de face est plus belle devant.
Il pense ensuite et surtout qu’il a une grosse tête et qu’il doit proportionner cette tête à ce corps. La boîte crânienne le bloque et le cerveau stoppe sa croissance.
Résultat : ça fait beaucoup de cons.
Mais laissons cela là.
L’ensemble de ce processus de gestion est d’une telle complexité que l’on chercherait en vain à en rajouter.
N’en jetez plus, la coupe est pleine. Est-ce d’un ridicule, toutes ces simagrées inutiles ! Sans parler que maintenant, il faut s’en occuper du moutard qui gueule !
Un truc de malade, une expérience to-ta-le-ment ratée.
Et avec tout ça, ça va, ça marche. Ça va, tout simplement.
Le corps démographique naît de ces mutations de la matière. Le corps démographique va alors copier les visages, les informations du corps individuel.
Ce corps démographique comme corps constitué se constitue en accumulant les activités des corps démographiques isolés. Le communisme, démographique —initialement— impose sa loi. Le corps démographique vit comme une entité autonome et indépendante.
Ce corps démographique sait qu’il doit atteindre un taux d’expansion exponentiel. Le calcul prévisionnel est fait. Le corps démographique va devoir surcroître. Les informations données par les corps humains privés, ces informations traitées dans les formes algorithmiques, ces informations vont toutes dans le même sens : la population va croître.
C’est quoi cette (nouvelle) affaire là, ce corps-là ?
La tirade peut paraître amusante. Elle l’est peut-être. Mais pas seulement. De là surgissent des myriades de questions. L’une particulièrement tire son signal d’alarme épistémologique : la mise en équivalence de non-équivalents. Cette mise en équivalence s’effectue dans le corps de l’homme, et doublement dans celui de la femme.
Le corps démographique traite en effet le double problème de la consommation et celui de la reproduction chez la femme. Le corps démographique est un étonnant conglomérat de laboratoires physico-chimiques.
Le corps distribue ces laboratoires à des organes qui en font usage. Mais usage de quoi ? Pourquoi–si l’on sait plus ou moins comment– avoir à affronter cette mise en équivalence de non-équivalents ? La molécule pouvait être livrée en produit fini. Il n’en est rien. Du coup le corps démographique se transforme en transformateur de produits disparates. Où est le but du jeu ?
La transformation est sur-déterminante, si elle n’est pas surdéterminée. La transformation suppose un centre, une méga usine travaillant en flux tendu.
Un métronome dicte la cadence, le rythme : la respiration. L’air inhalé donne des informations pratiques au corps. L’air est un précipité testeur. L’air mesure le degré de manque du corps.
Ce rythme de la respiration se double du rythme du sang pulsé par le cœur et les poumons. Le cœur est une pompe à sang pour les poumons. Cœur et poumons sont des organes, des organisations ouvrières de basse qualification. Les poumons pompent l’air et cela a l’air de nous pomper l’air. Il n’y a pas que l’air, il y a la chanson aussi. Car tout consiste à avoir l’air de/pour vivre.
C’est totalement absurde et idiot. Cette complexité initiale, fonctionnelle vient d’une erreur de conception.
Mais cette erreur est volontaire.
C’est là tout le projet expérimental : comment le corps et plus particulièrement le corps démographique, comment ce corps va-t-il détecter qu’il y a une erreur et pourra-t-il la corriger ? La preuve historique en est : il faut le vivre pour le croire, mais cette erreur volontaire, nommons-là erreur programmée, nous fout dans une sacrée merde. Disons-le carrément.
Le corps vivant, les corps vivants, c’est-à-dire tout est inadapté, non-équivalent, non-coïncident. Pour établir une mise en équivalence, il faut un agent biochimique, maître en humour et en logique formelle. La logique du concret règle ces circonvolutions du vivant, abscons au possible.
La plaisanterie est d’assez mauvais goût, il faut le reconnaître.
Or donc, c’est l’approche épistémologique qui naît là. Cette anthropologie doit radicaliser son approche en commençant par le corps-matière, la matière-corps.
Le marxisme aide beaucoup en cette affaire.
L’anarchie aussi, comme autorisation de foutre le bordel, du moment que c’est marrant. La poésie enfin sert de guide sensoriel, chamanique.
Le marxisme arnaco-poétique peut bien exister. Du coup, le mapisme devient un corpus épistémologique. Le mapisme est un outil restreint s’il ne court pas au mapmondisme, son extension universelle.
Il faut donc trouver le lien entre cet ensemble de non-équivalent, le recrutement du corps pour trouver la mise en équivalence possible et l’expression exponentielle démographique humaine.
Question vertigineuse.
Que cherche à nous dire la matière en passant par le corps humain ? On a presque peur de répondre. Pourtant la réponse pourrait venir d’un gosse de cinq ans. Que l’on amène tout de suite un enfant de cinq ans. J’ai une question pour lui (cf. le sketch des Marx, Brothers ceux-là).