La matière demande encore d’être la voie de passage entre ontogenèse et phylogenèse.
Le corps, médiateur, cherche à décoder le vivant.
Le corps ne se pose pas, initialement, la question de l’Ovni, de l’Origine de la Vie Non Identifiée. Il est produit ontogénétique. L’inadéquation terrestre, la démultiplication de non-équivalents impose un traitement spécifique pour parvenir à établir des équivalences. Il faut bien trouver des substances conformes aux besoins de cette population là. Cette recherche d’équivalence fonde une phylogenèse de survie. Une civilisation écologique et poétique se met en place. Poétique parce que le corps traite d’abord des connaissances du premier genre (Spinoza), sensibilité sensorielle, laisser-aller de la pulsion naturelle, écologique, environnementale.
Ses intuitions, ses impulsions naturelles permettent de valoriser des produits consommables, au cours d’un usage empirique. Cette valeur d’usage est concomitante à une valeur d’échange, l’échange d’informations, corps à corps décor incorporé, corporation de consommateurs non-producteurs mais reproducteurs. Un équilibre s’opère entre populations et subsistances. L’ontogenèse conduit à cette phylogenèse historique de civilisation.
L’histoire, la géographie de l’histoire commence donc par obtenir ce premier équilibre de survie. Mais il est fragile, en butte à des crises constantes. Il faut sans cesse rétablir un équilibre rompu. Il faut sans cesse signifier à toutes les minutes la consommation d’énergie exigée par le corps. Le corps n’accepte pas de rupture prolongée, si même le jeun peut durer plusieurs jours.
L’eau ne peut pas manquer par contre.
L’ontogenèse impose une phylogenèse pragmatique, via le corps. À chaque équilibre atteint, la phylogenèse s’enrichit d’une expérience, d’une expérimentation aboutie. Le corps, tout en suivant grâce à cela son processus de développement, le corps s’inquiète de ces crises d’équilibre.
La mise en équilibre de non-équivalents demeurele problème majeur d’adéquation de survie. Cette nécessité de mise en équivalence apparaît peu à peu comme le nœud gordien de la question d’adaptation aux milieux environnementaux.
Il faut réduire cette mécanique, cette machinerie de mise en équivalence. La phylogenèse s’élabore à partir de ce moment géo-historique.
La phylogenèse veut réduire le temps de mise en équivalence imposé. Il s’agit alors d’analyser ce système terrestre d’inadéquation, de contradiction, de paradoxal paradoxe.
Il faut trouver l’erreur et la réduire, la réparer, tenter de la réparer.
C’est la géo-histoire suivie par la phylogenèse.
Cette phylogenèse n’est pas propre à l’homme, mais elle est propre à toutes les formes d’existence terrestre.
Une fleur ou un nuage, un gaz ou un singe ont répondu à leur façon à cette attente phylogénétique.
L’homme va faire, fait comme eux ni plus ni moins.
De toute façon, le corps humain arrive dans une phylogenèse pragmatique qui s’est constituée avant son apparition.
Il lui « suffit » de copier les modèles d’équilibre de subsistances et de populations.
C’est le corps mimétique, prè-phylogénétique.
C’est le corps politique de la matière. Mais cette non-équivalence, effectivement universelle, handicape le procès d’ajustement équilibrant.
Ce procès est extrêmement complexe. Cette complexité est, de plus, dissimulée.
Il faut l’apercevoir, l’analyser, la simplifier. Or c’est compliqué de faire simple. Le paradoxe s’amuse de la phylogenèse pourtant indispensable à « l’amélioration des conditions de vie ».
L’ontogenèse attend la phylogenèse. L’attente surgit comme fonction psychosomatique d’un hyper réalisme radical implacable. Cette phylogenèse semble choisir comme ligne de conduite intersubjective dissimulation et violence.
Le paradoxe explose.
La phylogenèse dit que le bonheur est dû, que c’est la paix qui est à conquérir.
Pourquoi ?
Vivre, survivre, reproduire démographiquement entrent dans un cycle dialectique dont les termes ne sont pas évidents. La vie est une complexe solution. D’autant que cette vie est mesurée dans le temps. La mort est au bout. Ce n’est pas totalement récompenser tous les efforts pour reculer cette échéance. Le corps a rendez-vous avec la mort et ne sait pas ne pas s’y rendre.
On ne pose pas de lapin à la mort. On ne peut lui lancer la magnifique phrase de Marilyn Monroe : « cesse de me demander toutes les demi-heures si je suis prête, je t’ai déjà dit que je serai prête dans cinq minutes ».
Une double contradiction vitale fonde la phylogenèse : établir de très complexes mis en équivalence de non-équivalents et mourir.
Ce double paradoxal processus paradoxal surgit avec le développement phylogénétique. L’ontogenèse se met à jour, ici et maintenant. Le processus d’acquisition de l’inné ne sait qu’être expérimental, tâtonnant à l’aveugle.
Il n’y a pas de plan de route. Si liberté il y a, c’est la liberté de faire des erreurs, puis d’en tenir compte. L’équilibre n’est pas au bord d’une ligne droite, mais au cours d’un parcours fractal algorithmique exponentiel intrinsèque. Il n’y a pas d’intérieur et/ou d’extérieur. L’exogamie et l’endogamie ne se distinguent pas ontologiquement.
C’est la culture qui les distingue, la phylogenèse géo-historique.
Le paganisme par exemple maintiendra cette phylogenèse. L’anthropomorphisme ancre le corps dans son environnement. Cet anthropomorphisme supérieur repose sur un développement de proximité conquérante. De localité en localité, le corps progresse vers une conquête exploratoire de la Terre. La phylogenèse profite de ces déplacements de proximité pour mener des études comparatives. Une acculturation accumulatrice s’effectue. Un corps épistémologique pose les bases, corps corpulent avide d’informations. Ces informations parviennent au corps humain via les cinq sens, auxquels il faut ajouter l’épiderme, surface de traitement indispensable. La sensibilité se cristallise. La sensibilité donne à l’organisme les premières informations brutes qu’il faut traiter selon des algorithmes adaptés. Ces opérations internes d’assimilation nécessitent une puissance laborantine redoutable. Là commence la phylogenèse organique, organisée, intelligente. L’être livre ses secrets violables, livraison faite à la phylogenèse. Le corps apprend et donc il sait.
La finesse complexe texture de la matière, codée, chiffrée, doit être décodée, déchiffrée. Cette activité d’appropriation, cette faculté en œuvre fonde donc la phylogenèse qui écarte ainsi peu à peu l’ontogenèse initiale. Mais ce processus engage la phylogenèse à constater qu’en effet il n’y a pas d’adéquation immédiate. Les corps environnants doivent être déstructurés, analysés, triés. Ce tri conditionne toutes les praxis. L’appareil phylogénétique y perd son latin. Les choses ne sont pas équivalentes. Une sociabilité intersubjective se constitue, corpus de connaissances échangées. L’ontogenèse brute, initiale, recule.
Un système d’appropriations approximatives s’affine. Ce système accumule les savoirs. Le corps devient une prise de langue (comme on dit une prise de tête) avec l’écologie environnementale. La longue durée —plusieurs millions d’années— conduit à la civilisation.
Les conciliabules entre les individus renforcent le communisme, ce premier communisme de consommateurs non-producteurs mais reproducteurs. Il n’y a là aucune contradiction vécue comme telle. Le paradoxe vient plutôt de ce qu’il faille mettre en équivalence de non-équivalents. Ce paradoxe s’exacerbe par contre avec la violence et la dissimulation. La dissimulation, c’est la non-équivalence en acte. Il faut déchiffrer le code ontologique, onto-génétique. L’identification de l’ADN s’opère par praxis interposée, essais, erreurs. Mais la phylogenèse suit déjà la trace de cet ADN, ADN-logiciel programme sa découverte et attend (toujours cette attente…) que les erreurs initiales soient corrigées.
La consommation est en cause. La consommation est remise en cause.
Il y a sommation collective de remettre en cause initiale le programme originel, naturel, naturalisé. Le premier mouvement phylogénétique ne remet pas en cause la consommation elle-même, mais les causes, les raisons de cette inévitable consommation.
L’univers naturalisé, les corps naturalisés sont d’une telle complexité freinant la consommation que le corps animal et donc humain tend à se distancier de cette nécessité de consommation. Celle-ci est peu à peu mise à distance. Cette mise à distance de la dissimulation anthropique ne sait plus alors que passer par la violence.
La violentologie, étude de cette violence, doit ici trouver sa source géo-historique.
L’écosystème expose une brutalité effarante. La chasse, c’est tuer, faire mourir dans le sang.
Que cherche le chasseur ?
Des protéines. La chair en regorge immédiatement. Les plantes aussi —comme le persil—, les poissons aussi –comme la sardine–, mais ces protéines-là ne venant pas de la viande rouge sont complexes à détecter.
La phylogenèse doit prendre du coup (c’est le cas de le dire) la violence comme considérable composant du mode de consommation.
La consommation qui est déjà une fracturation de corps élémentaires, se double d’un prix intersubjectif négatif. Cela double le coût réel du produit consommé.
La force de masse se propose là comme force de travail initiale. La violence conditionne la première force du travail du corps. Aucune économie politique pacifiste ne peut venir à bout de cette contradiction ontogénétique.
En dénaturant, en dénaturalisant le corps naturalisé, la phylogenèse pousse le premier consommateur du premier communisme en dehors du mode de production écologique et poétique. Le premier communisme n’a pas été construit, mis au point par l’homme, mais par la nature elle-même. L’individualisation, la personnalisation, la privatisation ne peuvent venir que de cette mise à distance progressive menée par la phylogenèse.
Dans le cycle violent consommateurs non-producteurs, rien pourtant n’autorise une mise à distance effective, radicale. L’intégration naturalisée s’effectue avec une telle constance intersubjective, vitale, sur-vitale que cette distanciation est sans cesse rabattue.
Un événement démographique va pourtant renverser l’appropriation spontanéiste.