Dans l’écosystème initial, au cœur d’un imbroglio foisonnant, un phénomène percute plus directement l’espèce humaine : que se passe-t-il dans le ventre de la femme qui au demeurant ne se passe pas dans le corps de l’homme ? Les différences anatomiques et physiques sont apparentes, phénoménales. Pour ce qui est du ventre de la femme, la chose reste une ovni (origine de la vie non-identifiée). Tant que l’homme n’a pas mis en équivalence deux non-équivalents, le coït et la procréation, la femme semble autonome. Le mécanisme du corps reproducteur ne se montre pas. Le mystère transcendantal peut s’installer, il y a matière. Pour autant cette question posée par le ventre de la femme n’induit pas de fixations. Deux univers de corps sexués vivent ensemble, non superposés, relevant d’une pratique de la théorie des ensembles.
La constante mise en relation, mise en équivalence de non-équivalents ouvre un moment culturel, ouvre la boîte de Pandore. Le coït provoque la fécondation.
L’information, de taille, va tout changer.
Peu importe ici les modalités culturelles de cette découverte. Elles existent, évidentes. Cette découverte va aussi en effet faire que se modifie le mode de production écologique et poétique.
C’est à ce moment culturel que la relation entre l’homme et la nature se renverse définitivement. Le corps de la femme se privatise. Le corps de l’homme privatise l’unité de reproduction. Il y a exploitation de la femme par l’homme. Le corps comme universel concret, comme propriété, collectif du premier communisme, meurt. La première coupure épistémologique de la phylogenèse est démographique, obstétrique, gynécologique, accoucheuse, maïeutique socialisée d’une maïeutique ontogénétique. C’est un coup de tonnerre. Cette privatisation du corps reproducteur renverse aussi le rapport inextensible de la nature. Il ne s’agit plus de produire une osmose écologique à la dépendance stable. D’évidence, il s’agit de contraindre le milieu naturel à produire directement les aliments repérés comme nécessaire à la consommation énergétique.
L’agriculture apparaît.
L’agriculteur devient un agraire tueur, qui a le culte de tuer la nature pour survivre.
La violence s’érige en mode de vie, d’où sort le premier mode de production créé par l’homme, le mode de production agricole. Entre le corps consommateur et le corps reproducteur, un corps producteur s’interpose. L’idéologie qui en découle se fonde donc alors sur la sécurité alimentaire apportée à l’enfant, plus exactement apporter à cet enfant privatisé, le mien. Le corps reproducteur se trouve alimenté par un corps producteur sexué masculinisé.
Le consommateur non-producteur qui refuse de devenir producteur, qui refuse de devenir anti-premier communisme, s’en trouve marginalisé parce que la nature dénaturalisée, violée, violentée, produit des biens de consommation en surabondance artificielle. L’agriculture déborde violemment le modèle de production écologique parce qu’il est poétique, contemplatif, paisible. La guerre est déclarée.
Le corps reproducteur de la femme, devenue unité privée de fécondité, est singularisé. Les mutations des matières nécessaires à la fabrication d’un enfant demeurent mystérieuses, mais ces mystères sont extraits, arracher à la communauté pour devenir le domaine réservé, privé, chasse gardée de l’agriculteur, de l’agri-tueur, qui met cul par-dessus tête le modèle de production auquel il ne veut plus appartenir, se soumettre.
Cette isolation anticommuniste du corps reproducteur fonde la famille et les postulats de ce qui deviendra bien vite le capitalisme.
(?)304 de corps-sujet consommateur et de corps subjectifs, subjugués, soumis de corps producteurs. La première phylogenèse, communiste, doit mettre au point une socio-politique, politico-mondaine capable d’idéologie d’une nouvelle dépendance non plus à la nature, mais à l’homme.
La dépendance, loi d’évidence, se mue en dépendance, loi scélérate, dépendance à l’homme, de l’homme.
L’évidence disparaît sous le mensonge, la violente domination dissimulatrice. Le corps mute. Le corps naturalisé, le corps consommateur, le corps producteur et le corps consommateur fonde, forme la Sainte Famille du capitalisme.
Ce capitalisme n’a plus qu’à suivre la logique du concret des corps. Le corps reproducteur, le corps de la femme, n’en demeure pas moins le moyen de reproduction même. La propriété privée de ce moyen de reproduction demande, nécessite, exige une idéologie spécifique.
Un mot, transformé en pratiques artificielles, codifie, va servir cette idéologie : l’amour.
L’amour maternel prend la tête de ce cortège funèbre qui enterre la gentillesse et la simplicité initiale, poétique, écologique.
L’amour est une idéologie phylogénétique intersubjective. L’amour n’est pas un concept, c’est une pratique, l’idée d’une idéologie dominante. Les connaissances du premier genre, du corps sensible, sont amalgamées, et donc figées, stoppées par le mot.
L’impact de la rencontre nommée maintenant « amoureuse », impact physiologique, ontophylogénétique est arraché à son univers de premier apprentissage hypo-stasié. L’impact, déraciné, déraciné des ailes poétiques, se dessèche au bout de cette corde de pendu. Cet impact intuitif, sensible est contraint à servir une idéologie politico-économique démographique. Ce détournement du psycho-pathologique, du pathos, fonctionnalise la pulsion ontogénétique. L’amour est mis au service du corps reproducteur pour augmenter ses capacités protectrices des similitudes coïncidentes.
La pratique initiale du pathos est transformée en pratique politico-mondaine de la sécurisation.
L’amour, érigé en sensation hypostasiée, doit contraindre ceux qui en ont le « sentiment » a dépassé ce stade et à l’affirmer apte à surmonter tous les obstacles et d’abord bien sûr ceux d’une consommation non-productive mais —double prix à payer— reproductive. Le propriétaire d’un corps utérin, authentique hangar à foutre, n’a rien à foutre d’un foutre égalitariste communisant. Il capitalise sur un corps reproduit dont il aura la jouissance exclusive, venant s’ajouter à la jouissance exclusive du hangar à foutre qu’est l’utérus.