L’énergie fait vibrer le corps par battements sanguins et respiratoires. Ce rythme physiologique est propre à chaque organisme. Un rythme commun se diversifie et s’individualise selon un programme spécifique.
Cette horloge biologique rythme la quotidienneté et sonne à chaque mutation physique. L’horloge sonne ses étapes biogénétiques. Mais ces sonneries proclament aussi une échéance : la mort.
Le corps est un produit à OP, Obsolescence Programmée. L’horloge biologique compte et conte et raconte et décompte le temps qui va à la mort.
Le nouveau-né doit apprendre cette information et l’intégrer en tant que telle dans son programme initial.
Le corps-horloge vit pour mourir. L’équation « vie = mort » se pose et se mémorise.
Il est mort, c’est la vie.
Cette information est non seulement violente mais elle conditionne tout le parcours du développement de l’énergie initiale.
Le nouvel arrivant (le nouveau-né) se trouve donc plongé dans un monde terrestre hostile, auquel il n’est pas adapté. Il vient de se faire expulser de chez lui. Il n’a pour tout bagage qu’un corps mal foutu inadapté, handicapé, qui va se développer pour enfin mourir.
La violence, l’incongruité, la mal-programmation, tout a de quoi stupéfier.
Que s’est-il passé pour en arriver là ? Ce résultat ne peut provenir que du cerveau d’un ingénieur fou allié, un docteur Folamour, démiurge ayant le goût de la blague. Cette sidération débouche alors tout bonnement sur une espérance de vie plus longue. L’espérance de vie s’allonge. Si l’on admet que la durée de vie dans la U-caverne était de 20 à 30 ans, on voit qu’espérer 100 ans de vie comme le XXIe siècle le propose, cela suppose un long et fructueux travail pour y parvenir. Ce point est d’autant plus important à souligner que cet allongement obtenu de la durée de vie explique la courbe exponentielle démographique.
Le « mon fils, tu vivras plus longtemps que moi » est doublement justifié. Cette espérance de durée vient comme un justificatif. Le mouvement démographique structure la politique de natalité et met en place des recherches en toute discipline, pour contribuer à cet allongement. L’investissement démographique est rentable. Tout le monde y gagne. La chose le méritait. Mais la recherche fondamentale universelle, intersubjective, laisse de côté la question initiale qui reste pendante : pourquoi la violence ?
Certes pour le corps-biologique, repousser la date de la déchéance puis de la mort, présente de sérieux appâts.
Il y a donc là combat de la violence, contre la violence. Mais la mort n’est pas toute la violence. La violence peut n’être pas mortelle. L’horloge biologique rythme la vie du corps jusqu’à la mort, samba matinée de tango, rose rouge en bouche.
Tous les rythmes corporels deviennent alors des rythmes de vie contre la mort. La prise en considération de ce phénomène géo-historique ne se fait que si la mort est constatée. L’apprentissage du nouveau-né de la U-caverne doit le conduire vers cette progressive prise en considération. La tâche est rude.
Apprendre à vivre, c’est savoir que l’on va mourir. C’est bête comme chou et fort banal. Mais jamais —il semble— prit du seul point de vue du corps biologique. L’espérance de pouvoir allonger la durée de vie conforte dans la nécessité d’une filiation. Tant qu’à maintenir l’espèce, autant en profiter pour espérer vivre plus longtemps et y parvenir. C’est effarant de simplicité. Le corps-horloge biologique trouve ainsi un intérêt collectif.
Mais la violence elle-même, que devient-elle ?
Aucune violentologie.
Aussi la voie de la violence est-elle la seule pratiquée. C’est un sens unique, une impasse, le chemin emprunté, le chemin de la violence; mais l’homme y fonce tout de même.
Le Créateur n’est vraiment pas très sympa.
Heureusement qu’il n’existe pas, sinon qu’est-ce qu’il ne prendrait pas dans les couilles !
Si j’ose dire.
L’inégalité devant la mort vient de la socialisation du corps-horloge privatisé.
Le premier rythme du corps est privé, privatisé, atomisé, individualisé. Le souffle du rythme enseigne non le communisme, mais le capitalisme, le privé contre le public, la socialisation du corps enseigne alors l’universalité de l’obsolescence programmée.
Cela fédère. Cette socialité intégrée va à l’étude collective de la durée de vie.
Cela fédère.
Mais l’inégalité devant la mort vient d’une inégale répartition des richesses. Le capitalisme veut parvenir le plus rapidement possible à prolonger la durée de vie. À son seul profit.
Il échange la durée de vie prolongée contre la mort du corps des autres. À violence, violence et demie.
Le corps-horloge ne cesse pas pour autant de donner son rythme. L’horloge-biologique rythme le sensori-moteur du corps.
Ce sensori-moteur, cette motricité, lui est accessible par la gestuelle, la station debout, la marche et la danse. Le corps humain est le seul corps animal capable d’épuiser n’importe quel autre animal à la course. Sa résistance exceptionnelle le singularise. La marche et la course rythme le corps.