Le corps a son histoire.
Elle débute il y a 17 milliards d’années, selon les dernières estimations du début du XXIe siècle, date à laquelle les savantasses fixent l’apparition du cosmos, de la matière du cosmos.
Jusqu’à preuve du contraire.
Si l’on reste hyper-réaliste radical, un étrange scénario apparaît peu à peu. La matière a donc une douzaine de milliards d’années pour « créer » le système solaire et les formes de vie sur Terre. Cette Terre qui avait 4,5 milliards d’années met elle-même autant de temps pour, par bio-diversification, « créer » un corps dit vivant. Jusque-là tous les corps minéraux, gazeux, aqueux sont prétendus inanimés, non–vivants, rétrospectivement. Le corps n’existe pas au sens ethnocentrique.
Le corps d’un gaz par exemple passe pour être sans vie perceptible. D’aucuns, déjà au début du XXIe siècle, commencent à penser et admettre que ce corps a sa propre histoire et donc sa propre vie identifiable. C’est l’accumulation matérialiste des matériaux, des briques du vivant de toute nature qui donne cette différenciation singulière qu’est le vivant anthropologique. Il faut donc bien admettre l’idée selon laquelle ce corps-vivant est déjà lui-même un résultat d’une accumulation initiale, pour ne pas dire primitive. Les forces terrestres de vie surgissent alors comme un champ expérimental choisi et analysé dans ces conditions. Dans ce champ épistémologique (point de vue de la matière en expérimentation), dans ce champ, deux expériences contradictoires se déroulent.
La première teste les capacités de ce corps-vivant terrestre à s’adapter à son environnement pour lequel il n’est pas fait.
Comment va-t-il procéder pour se faire adopter ? La seconde constante intersubjective d’augmentation joue à plein. Chaque corps suit un parcours individuel privé, capitalisation initiale qui doit se soumettre pourtant à la loi d’évidence, la dépendance. Ce corps privatisé « naturellement » doit se collectiviser, devenir bien plus communiste. Cette première expérimentation de cette formidable contradiction géo-historique donne l’homme. L’homme par son corps.
La dynamique de la seconde constante intersubjective d’augmentation (SCIA) tend à éloigner le corps-initial de son milieu écologique d’origine. Le corps s’écarte de la nature, par argumentations successives. Le corps-sujet surgit — dans ces conditions — comme étape déterminante d’un processus de dématérialisation idéaliste. C’est le corps à corps du corps et de l’esprit. « L’esprit », c’est le corps de l’intérieur, par le corps privé, capitaliste. Cette vision ethnocentrique cyclopéenne, doit s’insérer dans une dynamique communiste, celle du premier communisme du mode de production écologique et poétique donné, non construit par l’homme. Le corps-sujet individualise le processus, le conduit à un anticommunisme primaire qui, dès la revendication géo-historique de paternité et donc l’apparition de l’agriculture, se trouve conforté dans son auto-capitalisme. Cette critique de l’économie politique que le vivant se fait à lui-même, le mène un conservatisme égoïste de survie, via l’accumulation primitive progressive.
Mais la matière suit une seconde expérience, concomitante, consubstantielle et déterminante : le gène de la violence, qui existe de facto, serait-il éradiqué par cette nouvelle organisation corporelle, « corporatiste » du vivant ?
La matière initiale n’a donc pas su en milliards d’années résoudre l’atroce question de la violence. Comment la Terre s’en occupe-t-elle ?
Le corps constitué initial, soumis aux augmentations rendues possibles par le premier mode de production écologique et poétique est reconstitué au cours des 9 millions d’années d’existence qu’on lui prête.
Ce corps reconstitué pratique donc la violence, donnée ADN.
C’est dans ce contexte de longue durée que la violence elle-même est utilisée à des fins d’augmentation des capacités du corps constitué. La violence est érigée en instrument d’évolution, capacité de différenciation additionnelle. Pratique prédatrice, modifications non seulement du corps mais des corps environnementaux.
La violence —et son extrême, la mort— augmente l’espérance de vie.
Cette autre contradiction bouleverse l’humanité.
Le corps reconstitué est le nouveau-né de la violence, bête immonde au ventre fécond (Brecht).
La matière cherche donc, dans cette double expérimentation, à comprendre le fonctionnement ontologique et phylogénétique de la violence.
La matière mène une expérience de violentologie de très haute tenue. L’apparition du corps-sujet est une étape bouleversant cette expérimentation des capacités du vivant. Le corps-sujet en sort directement. La mise à distance progressive du corps initial donne ce résultat simpliste, simplificateur, dualiste. La pauvre dialectique sujet-objet autorise la violence à s’exercer.