Un enfant, le premier enfant, est toujours le plus jeune. Il est en tout cas plus que sa mère. Ce corps de bébé n’a pas la motricité suffisante pour posséder un corps-langage. Son corps balbutie. Le corps-langage acquis, maîtrisé par les plus vieux devient un exemple à mimer, magnétiser, manipuler, maintenir.
Le corps apprend le langage des autres corps.
Ce corps-langage est ni oral ni écrit. Il est oralité signifiée. Le signe capte l’information et la fait circuler. Le corps capte ces informations. Tout le corps contribue à cette culture.
Dans la nature, l’animal joue de cette flexibilité corporelle. Le système de communication animale englobe la couleur, la musique, la danse, le mime, l’imitation, l’odeur, la position et la chromatique des couleurs —signe.
Tout est en permanence signifié par tout partout. Le corps-langage se suffit à lui-même. La pratique expérimentale de ce corps-langage conduit culturellement (et donc naturellement ici) au langage parlé et à l’écriture. L’un et l’autre complète le corps-langage. Cet apprentissage pragmatique suit un programme pédagogique. L’ADN lui-même, sur une longue durée.
Mais pourquoi réunir les forces vives pour concentrer leur action ? Pourquoi insister sur la fonction de communication d’informations ?
C’est que déjà l’espoir d’une culture embryonnaire répète déjà encore : communisme.
Mettre en commun. Communication. Cette retentissante évidence éclate dans sa naïveté. Le communisme ici, le premier communisme de la U-caverne est imposé. De toute façon, il n’y a pas d’autres règles sociales. Le mode de production écologique et poétique est le seul à être seul, le premier de tous les autres modes de production, à venir, estampillés ceux-là d’un H, pour homme.
Le corps du premier mode de production évolue, passe d’une ontogenèse initiale à une phylogenèse d’initiés. Le corps-langage s’insert dans ce premier lieu, puis accentue son avance en créant un réseau social valorisant la communication humaine. C’est que l’homme se nourrit d’informations. Le corps-langage est sous la tour de contrôle et il est son propre collecteur d’informations. Les corps immobiles et mobiles structurent leurs moyens de communication, le corps lui-même.
Immobile, silencieux.
Le corps parle à haute voix.
L’apparence approximative, générale, donne la première information. L’espace-corps identifie (un arbre, un homme, etc.) ce profil général singularisé, le corps télépathe. Ce type de communication est, au début du troisième millénaire, ignoré par mépris idéologique rationnellement idéalisé. Le mot sonore n’a pas de nécessité usagière. La pensée télépathée donne une masse d’informations, totalement impossible à évaluer.
Pour croiser l’information et renforcer ainsi sa viabilité, le corps se détaille.
La chevelure coiffe l’ensemble du dispositif. Le cheveu donne, par sa couleur, sa forme, sa coiffure, son odeur, son électricité statique et les sons obtenus par frottement, ultrasons secrets pour l’ouïe humaine.
Le sexe peut déjà être déterminé. La tête ensuite vient immédiatement complexifier les informations, les données fournies. La chevelure, déjà surchargée de signes, tend à une unicité. Le visage concentre les appareils de recueil d’informations et les complémentarisent. Les yeux ouvrent sur le dedans fermé. La mobilité du regard laisse penser qu’une énergie interne scrute l’environnement. Ce périscope du corps langagier peut-être dissimulé, occulté par les paupières. Ce point est capital. Le corps humain s’est réservé la faculté de bouger ses paupières alors qu’il est immobile. Un seul autre organe imite cette faculté, la langue, avec l’anus à un moindre niveau de développement. La dissimulation (ici du périscope) est bio-génétiquement fonctionnalisée.
L’œil voit, montre qu’il voit, fait voir qu’il voit, puis se referme. Cette double, triple faculté demande en retour une sociabilité compensatoire.
L’œil dit la disponibilité à la sociabilité, directement, aussi directement que possible.
De plus l’humidité entretenue de l’œil (par le battement de paupières aussi) rappelle l’origine aqueuse universelle. L’œil est vieux, depuis qu’il est sorti de l’eau.
Le battement de paupières donne aussi le rythme cardiaque et vasculaire. Le rythme de ce corps-langage est celui-là, tel qu’exposé. L’âge du corps-langage peut en être déduit. Le contrôle permanent, télépathique, valide ou non l’information. Elle peut alors être mémorisée.
L’oreille capte les rythmes extérieurs. Le rythme interne est capté, suivi, contenu par tout le corps. Le rythme externe l’est aussi (et pas seulement) par l’oreille. Le son sonorise le rythme, qui n’est qu’un bruitage obtenu par frottement, de la matière qui se sonorise elle-même, pour ainsi dire par ses propres moyens. Le système de distribution ondulatoire laisse le temps de lire la partition et d’en tirer une interprétation ici et maintenant. Ces informations auriculaires vont alourdir la banque de données informatives et élargir du coup les moyens langagiers.
L’odorat sélectionne certaines données sonores ondulatoires pour les convertir en moyens mnémotechniques. Une odeur est fixée sur un corps donné. Le politico-mondain trouve une autre de ses sources de signes manipulables, manipulés. L’association odeur-corps est purement arbitraire, sélective, pragmatique, sans aucune poésie. Il y a abus de confiance.
Le bon parler populaire ne s’y trompe pas, il dit : « ça pue ».
Le nauséabond lance son signe rouge. L’odeur du feu enseigne sa biogénétique au corps qui sait le décoder. L’ADN est livré par l’odeur, son composé chimique y est entièrement. La molécule accélère sa dynamique distribuée.
Le corps-langagier sent.
Le goût concrétise une autre série d’informations. Celles-ci sont les plus radicalement alimentaires. Le goût est dans l’air. Les molécules goûteuses se propagent dans cet air-éther et le salient. La respiration amène en bouche le goût de l’air. L’iode de la mer produit encore particulièrement ses effets encore au troisième millénaire.
Le goût indique la qualité alimentaire proposée, propagée dans l’air. L’air se goûte. Le crâne apparaît donc, coiffé, avec sept orifices d’entrée. Ces sept orifices entourent la boîte crânienne. C’est un centre de traitement d’informations implanté à proximité, localisé.
La vitesse de propagation ondulatoire, quantique, des informations est incontournable. L’information s’étiole à chaque nanoseconde. Le texte codifié se voit détruit à chaque déplacement dans l’espace-temps. Cette contradiction appauvrissante, misérabilisante, oblige à maintenir un haut débit productiviste. La chose est si complexe que tout y appelle faute d’interprétation.
La tête est portée par un cou. Le corps lui-même montre ici, en cet endroit physiologique, son effarante incongruité.
Une boule fixée par un tuyau, le cou, un tronc volumineux.
La chose est ridicule et affectée. Cela tient de l’épouvantail confectionné par un analphabète demeuré mental. Dire de quelqu’un qui est « demeuré mental » et donner l’adresse de son domicile : le mental. Le corps proprement dit est idéalement refoulé. Il ne demeure pas matière carnée, mais local mental.
Le choix est fait.
Cet assemblage de type PlayMobil effondre la crédibilité de l’expérience construite, constructiviste en somme, c’est dire artificiel. L’homme fait mal de couper la tête par le cou, certes, mais il a de grandes circonstances atténuantes.
Le cou révèle, par corps-langagier, la qualité de liaison entre la tête et le reste du corps.
C’est un câble de transmission, la qualité du cou révèle la qualité du corps et la qualité des informations transportées par ce câble de transmission.
La pomme d’Adam dit le sexe.
Le reste du corps-langagier est à l’avenant.
Mis en mouvement, le corps-langagier en appelle aux rythmes géométriques et à l’écrit tatoué. La parure socialise. Tel tatouage présente à qui sait le lire la carte d’identité, ADN compris. La vesture donne le degré de développement artisanal et la politique des dissimulations des parties du corps. Les sons parlés, chantés, imitateurs ou créateurs compliquent l’information livrée.
Ces marques de signes renseignants, enseignants, comme des enseignes, comme des enseignants, enseignés, voltigent, le complémentent et dialectisent toutes les données.
La quantité d’informations souhaitée cumule des sous-valeurs et extrait les sur-valeurs, les plus–values cognitives.
Le corps-langagier donne trop d’informations déterminantes. Une hiérarchie pragmatique de l’ici-maintenant verticalise cette masse horizontalement exposée, abandonnée.
Le corps-langagier a donc son histoire anthropologique.