Le corps-sujet découle de la reconnaissance, la connaissance de paternité et de l’agriculture qui en découle. Le nouveau-né privatisé maintenant, doit être nourri par le couple parental. Il faut pourvoir au débit du lolo du biberon de bébé. Cette individualisation, cette personnalisation, cette privatisation du corps qui devient sujet, forme atomisée, électron dit libre. Le corps-sujet entre dans cette nouvelle culture. C’est une culture du privatif, culture capitaliste, nouvelle et première idéologie de l’économie agraire, agri-culture. Le monde, vu de l’intérieur du corps-sujet, renversé dans ses relations avec la nature, ce monde tend à harmoniser cette perception intériorisée du corps-sujet en corps-objet.
Le corps devient objet d’étude. Cette dichotomie va fonder toute l’épistémologie et l’anthropologie naissantes. La relation du corps avec son environnement réclame un autre système relationnel et, cette fois, culturel, humainement culturel. Le corps, comme élément lambda du tout, est arraché à son universalité écologique et poétique et singularisé dans un procès de production agricole où il est privatisé, ôté de la collectivité, anticommuniste, producteur et reproducteur maintenant.
Le corps n’est plus un consommateur exclusif, non-producteur mais reproducteur, il est maintenant identifié comme force de reproduction démographique et force de travail agricole. Le corps-sujet intersubjectif tronqué est de plus objectivé par le procès de production.
Le pur consommateur initial, communiste, doit faire place à un consommateur-producteur et reproducteur privatisé, capitaliste. Le corps-sujet objectivé est un pur produit du premier mode de production créé par l’homme.
Le corps-objet permet aussi dans cette désincarnation l’arrivée de l’esclavagisme.
Dans la U-caverne, le corps privé n’existe pas. Le corps collectif subsume les individualités. Comme un seul homme, l’homme de la U-caverne structure une activité vitale communiste. Toutes les particularités, quand elles apparaissent, intégrées par et dans le collectif, parviennent à la constitution d’un corps social.
Ce corps social travaille à l’équilibre des populations et des subsistances. La redistribution des richesses des chasseurs, cueilleurs, pêcheurs ne répond à aucune autre échelle de valeur que celle de la survie. La liberté, l’égalité, la fraternité n’existent pas. Aucun corps intermédiaire ne parasite cette redistribution immédiate, pragmatique. Si même un individu sort de son corps initial pour effectuer des parcours initiatiques originaux – les chamanes – cette pratique reste corporelle, vitaliste, harmonieuse, non-fractale.
La civilisation culturelle consiste alors – d’une part – maintenir une harmonisation des corps avec leur environnement, mais – d’autre part – à suivre les étapes de l’augmentation biogénétique alimentée par l’énergie initiale, énergie sans cesse alimentée par les substances.
La pratique quotidienne de cette praxis en mutation mène à des prises en considération toujours renouvelées.
La prise en considération de la paternité vient progressivement. Une fois advenue, elle identifie une parentabilité démographique, un triangle biogénétique (mère, père, enfant) qui n’a aucune réalité sociale. Le corps social font tous et tout en un seul espace-temps. La fracture parentale ne peut s’imposer un communisme strict, sans ambiguïté, univoque. Ce corps social n’est pas à proprement parler le résultat d’une organisation volontariste. Le premier communisme du premier corps social ne s’oppose pas à une autre forme d’organisation sociale. Il est de facto.
La paternité pouvait apparaître comme information intégrable si l’évolution démographique n’était pas en cause. On retrouve encore au XXIe siècle, des tribus dites primitives dont l’ensemble des membres sont désignés comme « le père », « la mère ». Le groupe n’est pas dissocié par le nouveau-né, dont l’éducation et l’entretien sont à charge sociale. Dans ce contexte, le premier corps–sujet, c’est celui de la femme. Non seulement le corps-femme est le lieu de reproduction démographique, mais ce processus ne sait s’enclencher que par apport du sperme de l’homme.
Le mécanisme de fécondité puis de procréation, jusqu’ici non pris en considération dynamique, remet en cause le corps social collectivisé depuis son origine. La clé de la survie de l’espèce, trouvée, donne le pouvoir à celui qui la met dans la serrure et éjacule.
Cette prise en considération de serrurier ne va pas non plus de soi : la femme peut-être stérile, ou l’homme, le nouveau-né né avec 6 bras et ainsi de suite.
La perception, l’identification de la clé de fécondité permet donc une longue accumulation cumulative. Le corps social devient peu à peu corps-sujet, corps privé. La longue durée même contribue à amplifier l’importance de la prise en considération. Les « bons » corps reproducteurs sont repérés. Le corps-sujet performant bénéficie de cette approche productiviste. Le corps collectif, social, communiste, progressivement mis à mal, demeure corps consommateur non–productif mais la force de reproduction est progressivement repérée, isolée. La première force qui surgit dans l’histoire de l’humanité n’est pas de travail, de production mais force de reproduction, mettant en cause deux corps singularisés, la femme et l’homme, seuls tout à coup susceptibles de reproduire un troisième corps. Cette personnalisation génétique, progressivement incontestée, autorise l’apparition du corps-sujet, anti-intersubjectif. Le corps-sujet n’est plus considéré seulement comme un élément du capital intersubjectif irréductible mais comme une source privatisée de richesse démographique.
Le patrimoine se constitue.
Le corps-sujet, perdu d’intersubjectivité initiale, tend alors à s’objectiver. De corps-sujet, il passe un accord-sujet-objet puis à corps-objet. Cette transition s’impose parce que le mouvement remet en cause le corps collectif de la tribu. Le corps collectif rejette le corps-privé comme un organisme parasitaire, une métastase. Il y a incompatibilité. La prise en considération est partout pertinente. Mais cette identification de paternité n’autorise pas une privatisation du corps de la femme et de celui du nouveau-né. Le bébé n’en est pas moins pour autant produit de la collectivité, produit par elle, mais il est produit de l’appropriation subjective du reproducteur, du couple de reproducteurs. Une fois le lien parental constaté, puis établi, la performance des reproducteurs mène à une compétitivité organique, puis culturelle.
Le corps-objet du mode de production démographique peut s’épanouir.
C’est ici et maintenant qu’un mode de production démographique se dégage des rapports sociaux. Le mode de production (de reproduction) démographique, premier mode « créé » par l’homme demande alors un mode de production économique spécifique, adapté : le mode de production agricole.
À la force de reproduction identifiée maintenant (les sexes réunis) vient s’ajouter pour la première fois dans l’histoire de l’humanité une force de travail, la force de travail agricole. Une structure nouvelle bouleversante se met peu à peu en place.
Et c’est cette force de travail, improvisée, impensable auparavant qui fait muer le corps-sujet en corps-objet. La force de travail celle du corps-objet, rendue possible par le corps-sujet, rendue possible par la revendication de paternité et de maternité, rendue possible par une accumulation culturelle d’augmentation d’informations, rendue possible par une longue durée biogénétique expérimentale.
Un cycle historique, géo-historique s’achève.
Plus rien ne sera jamais comme avant.